La langue, trait d'union entre Français
"L’identité, c’est comme
l’amour : plus on le théorise, moins on sait ce que
c’est. Et, en général, on en débat d’autant
plus qu’on ne sait plus le vivre." Jacques ATTALI
Une fois de plus,
l’adage se vérifie : le gouvernement relance la discussion sur
un sujet dont on ne discute en
France qu’aux pires moments de notre
histoire ; car parler de l’identité, ce n’est
pas, en général, dire ce que nous sommes,
mais faire la liste de ce que nous ne sommes pas, et de ce que
nous voulons refuser de
devenir ; c’est discuter de la meilleure
façon d’exclure ; c’est demander des papiers d’identité ;
et chasser ceux qui n’en ont pas . De
plus, vouloir en faire un débat national juste avant les
élections régionales, c’est pousser la gauche à le refuser, au nom d’une morale
chatouilleuse, qui ne peut que lui nuire auprès des électeurs.
Pourtant, la gauche
ferait une grave erreur en donnant ainsi le
sentiment que la France ne l’intéresse pas, tout occupée qu’elle serait à
défendre des valeurs universelles. Il faut donc, même si le
moment est fort mal choisi, accepter ce débat ; et
y expliquer très simplement comment l’identité française est
définie et, peut etre surtout, ce qu’elle peut
devenir.
Six éléments
caractérisent l’identité d’un peuple, quel qu’il soit : un territoire, une
langue, une culture, des valeurs, une histoire, un destin
commun. Aucun de ces éléments n’est stable. Tous évoluent avec le
temps. La France fut chrétienne ; elle est laïque. La France fut
monarchiste ; elle est républicaine. Et
aujourd’hui, toutes ces dimensions sont remises en cause
par le mouvement du monde : l’effacement des frontières, en particulier en
Europe, remettant en cause l’idée même d’un territoire
identitaire ; le nomadisme croissant des Français
comme des étrangers ; la présence croissante, sur le territoire national,
d’autres langues, d’autres cultures, d’autres façons de vivre ;
l’universalisation des valeurs, autour des droits de l’homme et
de liberté individuelle, qui en fait disparaitre le caractère
national; et, enfin, dans l’individualisme ambiant, l’incertitude
quant à l’existence d’un destin commun .
De tout cela il résulte
que, à terme, la seule chose qui définira durablement
l’identité d’une nation, c’est sa langue, et la
culture, la façon de penser le monde, qu’elle implique. La
langue française conduit à penser, à écrire, à vivre, de façon
claire, simple, directe, précise, logique, binaire. Elle trouve sa source dans
l’harmonie des paysages et conduit à une symétrie des mots, à un équilibre des
concepts, qu’on trouve déjà dans les textes des inventeurs de cette
langue, de Rachi de Troyes à Blaise Pascal, de Chrétien de Troyes à Montaigne,
de Marcel Proust à Léopold Senghor.
Une langue qui doit
donc etre bien parlée et servir de véhicule de la pensée à tous ceux
qui vivent en France ou se réclament d’elle. Une langue qui
définit à elle-seule l’identité
française ; à défendre, à ouvrir au monde,
pour qu’elle s’en nourrisse : sait on que c’est la seule langue du monde dont
le nombre de locuteurs peut tripler en 40 ans, grâce à l’évolution
démographique de l’Afrique ? Et qui, s’y on n’y
prend garde, peut disparaitre pendant la même période.
Une langue qui peut aussi, mieux qu’aucune autre, combattre les extrémismes, les fondamentalismes ; même quand ils s’expriment, en français, dans le meilleur style.